I. Classification des troubles fonctionnels

Diagnostics d’opportunité

1. GÉNÉRALITÉS

  • Diagnostic d’opportunité = ensemble des syndromes pour lesquels la prise en charge ostéopathique est considérée comme exclue ou non indiquée
    • si prise en charge ostéopathique exclue => orientation du patient vers le médecin traitant ou vers les urgences
    • si prise en charge ostéopathique non indiquée => orientation vers un autre praticien de santé (voir par ailleurs)
  • Syndrome = association de signes (révélés par le praticien) ou symptômes (énoncés par le patient) caractérisant un état jugé pathologique ou dysfonctionnel
  • Le paragraphe suivant est focalisé sur les syndromes locorégionaux

2. SYNDROMES TRAUMATIQUES

  • Lombalgie ou douleur pelvienne post-traumatique
    • traumatisme violent ou bénin en contexte de déminéralisation osseuse
    • impotence fonctionnelle majeure
  • Douleur post-traumatique de la hanche
  • impotence fonctionnelle majeure
  • Douleur coccygienne post-traumatique
    • douleur à la position assise et/ou à la défécation

3. SYNDROMES INFLAMMATOIRES

  • Syndromes articulaires locaux
    • douleurs lombo-pelviennes diurnes et nocturnes
    • réveil matinal précoce
    • raideur matinale
    • inflammation axiale diffuse
    • orteil(s) « en saucisse »
    • fessalgie à bascule
  • Syndromes articulaires diffus
    • douleurs diurnes et nocturnes
    • hanche hyperalgique et inflammatoire
    • atteinte inflammatoire d’autres articulations
    • iritis possible
  • Syndromes uro-génitaux
    • douleurs lombo-pelviennes diurnes et nocturnes
    • fébricule
    • nausées et/ou vomissements
    • retard de règles, métrorragies ou leucorrhées foncées
    • troubles mictionnels
    • dyspareunies
    • ATCD de curetage ou post-partum
    • douleurs projetées référées d’origine viscérale (tractus urinaire ou génital)

4. SYNDROMES INFECTIEUX

  • Douleurs diurnes et nocturnes, lombalgie hyperalgique et inflammatoire, fièvre tenace, amaigrissement
  • Algies pelviennes, fièvre, nausée et/ou vomissements, leucorrhées foncées, troubles mictionnels, dyspareunies
  • Hanche hyperalgique diurne et nocturne, fièvre

5. SYNDROMES DÉGÉNÉRATIFS

  • Dégénérescence arthrosique
    • sujet âgé ou sportif de haut niveau (marathonien)
    • douleur inguinale et/ou fessière
    • démarche « salutante » ou « dandinante »
    • impotence fonctionnelle en flexion-rotation interne de hanche
    • flessum de hanche en décubitus dorsal
    • rotation interne limitée dès 10 à 20° (test de la clé)

  • Douleurs sur prothèse de hanche

6. SYNDROMES DYSMORPHIQUES ET POSTURAUX

  • Scoliose lombaire d’évolution rapide
  • Epiphysose de croissance (maladie de Scheuermann)
    • poussée de croissance
    • sport à risque (impacts, course)
    • morphotype longiligne
    • douleurs à l’effort et parfois au repos
    • coxalgies et boiteries possible
  • Tableau clinique spécifique
    • trisomie 21
    • douleur de hanche voire cuisse
    • obésité
    • hypogonadisme

7. SYNDROMES MÉTABOLIQUES

  • Douleurs lombo-pelviennes de la femme enceinte
    • douleurs aiguës d’apparition brutale au dernier trimestre de grossesse
    • saignements éventuels
  • Autres syndromes
    • douleurs mécaniques inguinales et/ou fessière
    • boiterie de hanche sur ATCD traumatique ou barotraumatique
    • douleurs de la hanche avec raideur douloureuse irréductible
    • corticothérapie
    • alcoolisme
    • dyslipidémie

8. SYNDROMES TUMORAUX

  • Syndromes osseux
    • lombalgie ou douleur de hanche diurne et nocturne
    • AEG
    • amaigrissement
    • ATCD de cancer primaire
  • Syndromes uro-génitaux
    • algies pelviennes
    • AEG
    • Leucorrhées foncées
    • métrorragies en période d’activité génitale
    • méno-métrorragies
    • saignements pendant les rapports sexuels

9. SYNDROMES NEUROLOGIQUES

  • Syndrome de la queue de cheval
    • lombalgie avec signes neurologiques centraux (déficit moteur, incontinence, dysesthésies erratiques, périmètre de marche très réduit… etc)
  • Lombalgie avec mono-ou-poly-radiculalgie
    • syndrome déficitaire d’apparition soudaine
    • poly-radiculalgie
    • radiculalgie hyperalgique
    • boiterie de Trendelenbourg

II. Choix des outils thérapeutiques ostéopathiques

1. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ET STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE OSTÉOPATHIQUE

a. Techniques de premier choix

  • Manipulations articulaires :
    • premier choix car agissent rapidement sur plusieurs variables du trouble fonctionnel en même temps (principalement sur la douleur et l’EM)
    • choix de l’acte en fonction des capacités positionnelles du patient (surtout en aigu)
  • En l’absence de possibilité de manipulation avec cavitation
    • technique de manipulation mécaniquement assistée (ex : technique drop avec coussin d’évitement) de la charnière lombo-sacrée
    • technique de mobilisation articulaire lombo-sacrée et, le cas échéant, coxo-fémorale
    • techniques musculo-aponévrotiques contre la douleur locale et l’enraidissement musculaire (pression-inhibition et/ou techniques neuromusculaires)

b. Respect obligatoire

  • Respect des recommandations de bonne pratique
    • respect du rapport bénéfice/risque de la technique
    • respect des limitations d’intervention règlementaires
    • mise en œuvre de la stratégie d’intervention conformément aux références professionnelles
    • demande d’examen complémentaire en cas de suspicion de DR
    • pas de manipulation si douleur lors de la mise en position et/ou lors de la pré-charge (absence de voie de passage)
    • placement du patient et sens de poussée choisis dans le respect de la non douleur
    • pas de manipulation en cas de réactions adverses suite à de précédentes manipulations
  • Respect du consentement libre et éclairé du patient
  • Respect du niveau technique du praticien et du matériel à disposition

2. PRÉSENTATION DES TECHNIQUES POSSIBLES EN FONCTION DES VARIABLES DU TROUBLE FONCTIONNEL

a. En fonction de la douleur

  • En cas de lombalgie
    • techniques de manipulation avec mise en position en 3D : poussée lordosante ou délordosante ; décubitus dorsal, position assise, décubitus latéral (interface articulaire à manipuler sur la table ou loin de la table)
    • techniques appliquées à la région lombo-sacrée ou à la région thoraco-lombaire en fonction de la source nociceptive
    • technique mécaniquement assistée (« drop ») en décubitus ventral (blocs d’élévation sous les EIAS ou sous les trochanters) avec prise de contact et appui sur la CLS
  • En cas de douleur référée ou rapportée d’origine lombaire
    • manipulation appliquée sur l’UFR correspondante
  • En cas de douleur de hanche
    • pression-inhibition sur les structures myofasciales (psoas, pelvi-trochantériens, corps musculaire et/ou tendon des fessiers, insertions ischiatiques, …etc)
    • mobilisation coxo-fémorale en décubitus dorsal

b. En fonction de l’enraidissement musculaire

  • En cas d’EM des autochtones superficiels thoraco-lombaires
    • manipulation de la CTL
    • techniques de « décordage » appliquées à la région thoraco-lombaire
    • techniques de pression-inhibition
  • En cas d’EM des autochtones profonds
    • manipulation locale sur l’UFR correspondante
    • mobilisation de la charnière lombo-sacrée patient debout
    • En cas d’EM des fessiers superficiels/profonds
  • manipulation vertébrale selon distribution métamérique
  • mobilisation coxo-fémorale en décubitus dorsal
  • pression-inhibition avec ou sans étirement du muscle

c. En fonction de l’excès liquidien

  • Aucune technique directe n’est référencée pour l’amélioration de l’excès liquidiens
  • Pas de technique ostéopathique efficace sur ce paramètre (orientation nécessaire si aucune voie de passage)

III. Accompagnement et suivi

1. SUIVI PATIENT

  • Respect des obligations réglementaires et adaptation du projet d’intervention
  • Suivi en fonction du résultat du traitement sur les variables du trouble fonctionnel
  • En fonction de l’ancienneté des symptômes :
    • en aigu : de 3 jours à 1 semaine ; consultation en fonction de l’évolution des douleurs ; si pas de résultat, évaluation médicale
    • en subaigu : suivi du patient à 1 semaine puis 1 mois par téléphone ou en consultation
    • en chronique : surveillance sur le long terme (1 à 2 semaine(s), 1 mois, 3 mois)
  • En fonction de l’intensité des douleurs :
    • si douleur légère à modérée, 1 seule séance d’ostéopathie peut suffire
    • si douleur forte à très forte, 1 à 3 séances peuvent s’avérer nécessaires (séances rapprochées pour suivre au plus près l’évolution du patient et être réactif en cas de besoin)
    • sa 1ère séance consiste en une détente des couches musculaires superficielles + mobilisations/pression-inhibition locale + orientation pour traitement antalgique si besoin
    • 2ème séance à J + 4 : détente des couches musculaires superficielles + manipulation locale ou au plus proche de la zone douloureuse en fonction des voies de passage
    • 3ème séance, si nécessaire, à J+ 7 après la 2ème : manipulation locale
    • si la douleur est telle qu’aucune voie de passage n’est permise, la séance doit être menée après traitement antalgique et/ou anti-inflammatoire (délai de 4 jours minimum)
  • En fonction du type de douleurs :
    • nociceptive : traitement et suivi en fonction de l’ancienneté et de l’intensité des douleurs
    • neurogène : traitement manuel et médical concomitants ; suivi de l’évolution de la douleur neuropathique car risque fort de chronicisation
    • centralisée : actes efficaces à court terme mais orientation nécessaire dans l’offre de soins en fonction des facteurs de risque mis en évidence

a. Conseils

  • Maintien des activités mais en adaptant les gestes et postures et en limitant le port de charge durant la phase douloureuse
  • Alternance régulière entre les postures assise et debout
  • Respect des grands aplombs dans les trois plans de l’espace
  • Limiter le travail en torsion du tronc
  • Respect des synergies articulaires et musculaires durant le port de charges
  • Favoriser la détente musculaire, application locale de chaleur, étirements, massages ou auto-massages, … etc

IV. Conditions de prise en charge préventive

1. FACTEURS DE RISQUE MORPHOLOGIQUES

a. Sources de renseignement

  • Interrogatoire (ATCD traumatiques)
  • Examen visuel aux fils à plombs
  • Bilan radiologique

b. Facteurs de risque

  • Porte-à-faux C7 par rapport à S1 dans le plan sagittal (C7 Plumb Line, distance SVA)

  • Porte-à-faux C7 par rapport à S1 dans le plan frontal
  • Non-concordance des courbures thoracique et lombaire
  • Inégalité de longueur des membres inférieurs
    • défaut de parallélisme entre crête iliaque et grand trochanter
    • mesure au mètre-ruban en décubitus dorsal
  • asymétrie pelvienne (défaut de parallélisme entre crête iliaque et EIPS)
  • scoliose lombaire
    • angle de Cobb radiologique > 10°
    • gibbosité lombaire
    • ceintures non alignées dans le plan horizontal

Vrtovec et al ; Eur J Spine,

  • paramètres lombo-pelviens (PS, VP, IP, angle de lordose) largement en dehors des valeurs standards
    • notamment IP en dehors de la fourchette 35° < IP < 85°
  • dysplasies de hanche

2. FACTEURS DE RISQUE MUSCULO-APONÉVROTIQUES

a. Sources de renseignement

  • Interrogatoire
    • âge
    • niveau d’activité physique
    • ATCD
    • contraintes gestuelles et posturales au travail
  • Bilan des ressources musculaires
    • souplesse
    • endurance musculaire
    • force

b. Facteurs de risque

  • Age
  • Sarcopénie
    • involution graisseuse des fibres musculaires
    • touche surtout les deux types de fibres mais surtout le type II
  • Faible niveau d’activité physique
    • inactivité physique provoque atrophie des fibres de type 1
  • Contraintes gestuelles et posturales au travail
  • Lombalgie chronique ou atcd récent de lumbago hyperalgique
  • Déshydratation
  • Manque de souplesse des aponévroses thoraco-lombaires et/ou membres inférieurs
  • Manque d’endurance des muscles extenseurs et/ou fléchisseurs du tronc
  • Manque d’endurance des muscles stabilisateurs des articulations coxo-fémorales
  • Faiblesse musculaire localisée ou diffuse
    • générant une dysbalance musculaire entre les groupes stabilisateurs et mobilisateurs

3. FACTEURS PSYCHO-PHYSIOLOGIQUES

a. Sources de renseignement

  • Interrogatoire
  • Tests spécifiques

b. Facteurs de risque

  • Déficience des répertoires moteurs
  • Altération du sens du positionnement du tronc

4. FACTEURS PSYCHOLOGIQUES

a. Sources de renseignement

  • Questionnaires psychométriques
  • Évaluation psychologique

b. Facteurs de risque

  • Stress chronique
  • Troubles du comportement
    • kinésiophobie
    • catastrophisme

5. FACTEURS DE RISQUE ENVIRONNEMENTAUX

a. Source de renseignement

  • Interrogatoire

b. Facteurs de risque

  • Biomécaniques
  • ergonomie du poste de travail
  • travail bras au-dessus de la tête
  • position assise prolongée
  • port de charges
  • Ambiance physiques (sonore, visuelle, thermique, …)
  • Psycho-sociaux
  • organisation et cadence de travail
  • relations avec collègues, avec la hiérarchie
  • Autres
    • troubles fonctionnels gastro-intestinaux

V. Conseils et orientations en fonction des facteurs de risque

1. FACTEURS DE RISQUE MORPHOLOGIQUES

  • Kinésithérapeute ou coach sportif
    • éducation posturale
    • renforcement musculaire (pour action sur les paramètres positionnels par les muscles stabilisateurs)
  • Podologue
    • semelles sur ILMI (semelles orthopédiques dans la plupart des cas)
    • semelles sur non concordance des courbures dans le plan sagittal (semelles proprioceptives)
  • Chirurgien orthopédiste ou médecin rééducateur
    • orthèses / corsets

2. FACTEURS DE RISQUE MUSCULO-APONÉVROTIQUES

a. Souplesse des muscles thoraco-lombaires et des membres inférieurs

  • Kinésithérapeute
    • mobilisations, étirements
    • méthode Mézières
  • Coach sportif
    • programme d’assouplissement
    • cours de gym douce
  • Autonomie
    • stretching, yoga, taï chi

b. Endurance et/ou force musculaire

  • Kinésithérapeute
    • renforcement musculaire (muscles stabilisateurs ++)
  • Coach sportif
    • programmes de renforcement musculaire, musculation
    • gainage, Pilates
  • Autonomie
    • musculation au poids de corps
    • gainage

3. FACTEURS PSYCHO-PHYSIOLOGIQUES*

  • Kinésithérapeute
    • (ré-)éducation proprioceptive
    • travail des répertoires moteurs
  • Autonomie
    • travail des représentations corporelles en réalité virtuelle ou augmentée

4. FACTEURS PSYCHOLOGIQUES

  • Psychologue
    • thérapie cognitive et comportementale
  • Sophrologue, hypnothérapeute
    • amélioration des douleurs centralisées
    • travail du comportement face aux douleurs chroniques

5. FACTEURS DE RISQUE ENVIRONNEMENTAUX

  • Ergonome du lieu de travail, médecin du travail, expert des gestes et postures

VI. Accompagnement et suivi

  • Suivi à moyen terme (2 mois) et long terme (6 mois) des patients douloureux chroniques
    • évolution des douleurs et des comportements face à celles-ci
    • évaluation des ressources individuelles.
    • communication avec le ou les professionnels susceptibles d’agir sur ces variables
  • Conseils et auto-exercices visant l’amélioration des ressources musculo-squelettiques en fonction de la motivation et de l’autonomie du patient