I. Diagnostics d’opportunité
1. GÉNÉRALITÉS
- Diagnostic d’opportunité = ensemble des syndromes pour lesquels la prise en charge ostéopathique est considérée comme exclue ou non indiquée
- si prise en charge ostéopathique exclue => orientation du patient vers le médecin traitant ou vers les urgences
- si prise en charge ostéopathique non indiquée => orientation vers un autre praticien de santé (voir par ailleurs)
- Syndrome = association de signes (révélés par le praticien) ou symptômes (énoncés par le patient) caractérisant un état jugé pathologique ou dysfonctionnel
- Le paragraphe suivant est focalisé sur les syndromes locorégionaux
2. SYNDROMES TRAUMATIQUES
- Cervicalgie aiguë
- avec céphalée éventuelle
- contexte de traumatisme à haute énergie (surtout si présence de vertiges)
- contexte de traumatisme à basse énergie, mais avec ostéoporose (surtout en dessous de C4) ou corticothérapie au long cours
- consécutive à une manipulation cervicale
- vertiges
- Cervicalgie sub-aiguë
- sans aucune prise en charge médicale
- avec ATCD de traumatisme ou barotraumatisme
- signes d’insuffisance vertébro-basilaire
- sensation de plénitude de l’oreille
3. SYNDROMES INFLAMMATOIRES
- Cervicalgie inflammatoire
- hyperalgique
- douleurs diurnes et nocturnes
- raideur matinale
- Cervicalgies et céphalées
- céphalées généralement temporales avec hyperesthésie cutanée
- intermittentes et progressives
- fièvre / AEG
- asthénie
- amaigrissement
- Cervicalgies et vertiges
- crise inaugurale de vertige persistant plus de 24 h
- exacerbation au changement de position
- AEG, nausées, vomissements
4. SYNDROMES INFECTIEUX
- Cervicalgie et céphalées
- hyperalgie
- fièvre
- douleurs diurnes et nocturnes
- raideur cervicale
- nausées / vomissements
- photophobie
- étourdissements
- Torticolis de l’enfant
- torticolis de faible intensité
- infection ORL en cours (rhino-sinusite ou otite aiguë)
- Vertiges
- accompagnés de fièvre
- signes auditifs (sensation de plénitude, hypoacousie)
5. SYNDROMES DÉGÉNÉRATIFS
- Cervicalgie de la personne âgée
- ostéoporose
- déformations osseuses et de la posture
- Cervicalgie arthrosique
- raideur cervicale surtout en rotation et en extension
- possibles douleurs projetées
- éventuels signes neurologiques centraux (en cas de myélopathie cervicarthrosique)
- Vertiges
- vertiges rotatoires brefs (moins de 1minute) et répétés
- éventuellement nausées et vomissement
- nystagmus provoqués
- possibles acouphènes ou hypoacousie
- thérapeutique ototoxique en cours
6. SYNDROMES MÉTABOLIQUES
- Cervicalgie et / ou céphalée
- hypercholestérolémie
- hypertriglycéridémie
- diabète de type II
- hypertension artérielle
- tabagisme + pilule contraceptive
- traitement anticoagulant
- Vertiges
- pré-syncope
- anémie
- hypoglycémie
- hypotension orthostatique
- cardiopathie
7. SYNDROMES TUMORAUX
- cervicalgie et/ou céphalées
- douleurs diurnes et nocturnes sans rythme spécifique
- AEG
- amaigrissement
- antécédent de cancer primaire
8. SYNDROMES DYSMORPHIQUES ET POSTURAUX
- Cervicalgie simple
- ostéoporose
- charnière cervico-dorsale en « bosse de bison »
- cyphose thoracique marquée d’aggravation soudaine
- Terrain de maladie génétique (Marfan, Lobstein, Klippeil-Feil, trisomie 21)
- Malformations osseuses (impression basilaire, bloc vertébral, occipitalisation)
- Malformations neurologiques (Arnold-Chiari, cervelet engagé dans le foramen magnum)
9. SYNDROMES NEUROLOGIQUES
- Cervicalgie avec mono- ou pluri-radiculalgie
- syndrome déficitaire au niveau moteur
- et/ou hyperalgie du membre supérieur d’apparition soudaine
- syndrome pyramidal ou extra-pyramidal
- Insuffisance Vertébro-Basilaire (IVB)
- signes d’IVB majeure (aspect d’atteinte neuro-centrale)
- drop attack
- Céphalées simples
- hyperalgiques et rapides ou 1er épisode de migraine
- céphalées non connues du patient dans un contexte de céphalées chroniques
- confusion mentale, anxiété / stress
- réduction unilatérale de la vue
- troubles neurologiques (atteintes des nerfs crâniens)
- Troubles neurologiques diffus
- céphalées accompagnées d’étourdissements
- léthargie
- sudations
- irritabilité
- troubles visuels
- nystagmus
- Vertiges sur syndrome vestibulaire central
- âge > 50 ans
- crises de vertiges rotatoires
- nausées / vomissement
- nystagmus spontané
- Syndrome cérébelleux
- Déséquilibres fréquents
- céphalées inhabituelles
- troubles de l’équilibre et marche ébrieuse
- ataxie
- dyschronométrie / adiadococinésie
- possible diplopie
II. Choix des outils thérapeutiques ostéopathiques
1. RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES ET STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE OSTÉOPATHIQUE
a. Techniques de premier choix
- Manipulation articulaire
- Influe rapidement et concomitamment sur plusieurs variables du trouble fonctionnel (surtout douleur et EM)
- choix de l’acte en fonction des capacités positionnelles du patient (surtout en aigu)
- En l’absence de possibilité de manipulation avec cavitation
- technique de manipulation mécaniquement assistée (ex : technique drop avec coussin d’évitement)
- technique de mobilisation articulaire cervicale
- techniques musculo-aponévrotiques contre la douleur locale et l’enraidissement musculaire (pression-inhibition et/ou techniques neuromusculaires)
b. Respect obligatoire
- Des recommandations de bonne pratique sur le rapport bénéfice / risque de la technique
- respect des limitations règlementaires d’intervention
- mise en œuvre conformément aux références professionnelles
- pas de manipulation articulaire cervicale en l’absence de radiographie ++ si ATCD traumatique récent
- pas de manipulation en 1ère séance et dans la 1ère semaine d’apparition des symptômes
- pas de manipulation si douleur lors de la mise en position et/ou lors de la pré-charge (absence de voie de passage)
- placement du patient et sens de poussée choisis dans le respect de la non douleur
- pas de manipulation en cas de réactions adverses suite à de précédentes manipulations
- Du consentement libre et éclairé du patient
- Du niveau technique du praticien et du matériel à disposition (ex. coussin d’évitement)
- En l’absence de possibilité de manipulation
- la mobilisation articulaire doit être le 2nd choix
- souvent couplée à une technique antalgique de pression-inhibition en cervical
- En l’absence de possibilité de mobilisation, les techniques neuromusculaires seront les seules à pouvoir être utilisées
2. PRÉSENTATION DES TECHNIQUES POSSIBLES EN FONCTION DES VARIABLES DU TROUBLE FONCTIONNEL
a. Douleur
- Cervicalgie
- manipulation articulaire centrée sur C7T1 en décubitus ventral
- manipulation articulaire de la charnière cervico-thoracique, patient assis
- manipulation articulaire cervicale des étages concernés en décubitus dorsal ou en position assise
- mobilisation + pression-inhibition en regard des AIAP en décubitus dorsal
- techniques identiques en cas de céphalées de tension
- Douleur projetée référée associée à une cervicalgie
- manipulation/mobilisation des UFR du RCS ou de C2C3 si projection céphalique
- technique avec coussin d’évitement appliquée sur le RCS (contact sur l’apophyse transverse de C1)
- manipulation/mobilisation du RCI si projection scapulaire, inter-scapulaire ou dans le membre supérieur
- Douleur projetée rapportée associée à une cervicalgie
- technique avec coussin d’élévation et/ou mobilisations spécifiques du RCS en cas de névralgie d’Arnold
- NB : pour cette névralgie, la manipulation en C2C3 est souvent efficace, même si l’étage manipulé ne correspond pas à l’émergence du nerf ; l’explication se trouve certainement dans l’anatomie fonctionnelle du RCS
- technique de manipulation articulaire de l’UFR où se situe le syndrome radiculaire (NCB C5 à C8)
- en cas d’impossibilité de manipulation (pas de voie de passage ou enraidissement musculaire incontournable), préférer les techniques de mobilisation
b. Déséquilibres
- Manipulations cervico-thoracique en fonction de l’EM des couches musculaires
- Manipulation C2C3 en position de décubitus ou assise
- Technique « drop » mécaniquement assistée sur coussin d’évitement avec prise de contact sur une masse latérale de C1, patient en décubitus latéral
- Mobilisations du RCS
- traction et bascule occipitale
- poussée de C1 sur un axe frontal dans la « pince » C0C2
c. Enraidissement musculaire cervico-thoracique
- EM réflexe des autochtones cervicaux profonds
- manipulation articulaire cervicale (AIAP la plus douloureuse)
- techniques avec coussin d’évitement appliquée sur le RCS (contact sur apophyse transverse de C1)
- mobilisations articulaires du RCS (C0C1, C1C2)
- mobilisations articulaires du RCI avec contact sur AIAP douloureuse ou sur épineuse
- EM réflexe mixte ou seulement superficiel
- manipulation à distance de la source nociceptive
- manipulation du rachis dorsal moyen en décubitus dorsal ou assis
- manipulation de la charnière cervico-thoracique en décubitus ventral ou assis
- manipulation de la charnière C2C3 en DD ou assis
- technique de décordage appliquée au rachis thoracique moyen et/ou cervical
- techniques de pression-inhibition digitale ou en « rapprochement de fibres »
- Enraidissement réflexe des muscles cervico-scapulaires, cervico-thoraciques, SCOM ou encore du membre supérieur (syndrome segmentaire)
- manipulation du ou des UFR correspondant au(x) métamère(s)
- cas particulier des trapèzes et SCOM : manipulation ou mobilisation C2C3 + technique de pression inhibition sur insertions occipito-mastoïdiennes ; pression-inhibition directement dans le ou les muscles concerné(s) (points gâchettes)
- Enraidissement intégré des autochtones
- contexte d’enraidissement chronique et ancien
- toutes les techniques myorelaxantes citées sur les couches profondes et/ou superficielles mais effet à court terme (prise en charge collaborative recommandée)
d. Excès liquidien
- manipulations contre-indiquées en cas de suspicion d’un excès liquidien
- technique avec coussin d’évitement contre-indiquée en cas d’hydarthrose (ou hémarthrose) temporo-mandibulaire
III. Accompagnement et suivi
1. SUIVI DU PATIENT
- Respect des obligations réglementaires et adaptation du projet d’intervention
- Suivi en fonction du résultat du traitement sur les variables du trouble fonctionnel (douleur, EM, excès liquidien, conséquences posturales et gestuelles)
- En fonction de l’ancienneté des symptômes
- en aigu, revoir à 3/4 jours ou 1 semaine en fonction de l’EVA
- si pas de résultat, évaluation médicale
- le subaigu impose le suivi du patient à 1 semaine puis 1 mois (par téléphone, mail ou en consultation)
- en chronique, surveillance sur le long terme : 1 à 2 semaine(s), 1 mois, 3 mois
- En fonction de l’intensité des douleurs
- en cas de douleur légère à modérée (EVA < 5), 1 seule séance d’ostéopathie peut suffire
- en cas de douleur forte à très forte (EVA > 5), 1 à 3 séances
- si douleur très intense, la 1ère séance peut être menée après traitement antalgique et/ou anti-inflammatoire (délai de 4 jours) avec détente des couches musculaires superficielles + mobilisations / pression-inhibition locale + orientation pour traitement antalgique
- la 2ème séance est réalisée après 3 ou 4 jours avec détente des couches musculaires superficielles + manipulation locale après traitement antalgique
- la 3ème séance est réalisée à 1 semaine avec manipulation locale
- En fonction du type de douleurs
- si douleur nociceptive, traitement et suivi en fonction de l’ancienneté et de l’intensité des douleurs
- si douleur neurogène, traitements manuel et médicamenteux concomitants ; suivi de l’évolution de la douleur rapportée car risque fort de chronicisation
- si douleur centralisée, actes efficaces à court terme ; orientation nécessaire dans l’offre de soins en fonction des facteurs de risque mis en évidence
2. CONSEILS
- Maintien des activités en adaptant les gestes et postures
- Application locale de chaleur
- Auto-exercices
- étirement musculaire
- pression sur des « points gâchettes »
- correction du port de tête
- Alternance régulière des postures, notamment devant écran
- Aménagement ergonomique pour respecter les aplombs cervico-thoraciques dans les trois plans de l’espace en conservant les référentiels de l’équilibration sur la ligne d’horizon
- Position de sommeil (éviter décubitus ventral, adapter hauteur de l’oreiller)
- Port d’une gouttière nocturne pour détendre la musculature masticatrice et limiter le bruxisme
- Changement des habitudes de manducation
- Pratique d’une activité de relaxation
IV. Conditions de prise en charge préventive
1. FACTEURS DE RISQUE MORPHOLOGIQUES
a. Sources de renseignements
- Interrogatoire (ATCD traumatiques)
- Examen visuel aux fils à plombs
- Bilan radiologique cervical (face, profil)
b. Facteurs de risque
- Déséquilibre céphalique par rapport au socle C7 dans le plan sagittal
- Déséquilibre céphalique par rapport au socle C7 dans le plan frontal
- Non-concordance des courbures cervicale et thoracique
- Valeurs d’angle de lordose et de pente C7 largement en dehors des valeurs normales
- Examen visuel ou radiographique de la mâchoire et de l’occlusion dentaire (avis orthodontique)
- classes de malocclusion
agénésie ou perte de dents
2. FACTEURS DE RISQUE MUSCULO-APONÉVROTIQUES
a. Sources de renseignements
- Interrogatoire
- âge
- niveau d’activité physique
- ATCD
- contraintes gestuelles et posturales
- Bilan des ressources musculo-squelettiques
- souplesse
- endurance musculaire
- force
b. Facteurs de risque
- Manque de souplesse des aponévroses cervicales postérieures
- Faiblesse des muscles cervicaux stabilisateurs et/ou cervico-thoraciques mobilisateurs
- Dysbalance musculaire entre les groupes cervicaux
- Raideur des aponévroses temporo-mandibulaires
3. FACTEURS DE RISQUE FONCTIONNEL
a. Source de renseignement
- Interrogatoire (sommeil bouche ouverte, ronflement, rhino-sinusite chronique, …)
- Examen visuel (mâchoire étroite, maxillaires supérieurs peu développés, trouble de l’articulé dentaire)
b. Facteur de risque
- Ventilation buccale générant une posture de sommeil tête en extension.
4. FACTEURS DE RISQUE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUES
a. Sources de renseignements
- Tests spécifiques au niveau cervical
b. Facteurs de risque
- Déficience des répertoires moteurs
- Altération du sens du positionnement cervical
5. FACTEURS DE RISQUE PSYCHOLOGIQUES
a. Sources de renseignements
- Questionnaires psychométriques ou évaluation psychologique
b. Facteurs de risque
- Stress chronique, burn-out, bore-out, …
- Kinésiophobie, catastrophisme
- Bruxisme, ruminations, …
6. FACTEURS DE RISQUE ENVIRONNEMENTAUX
a. Sources de renseignement
- Interrogatoire
b. Facteurs de risque
- Biomécaniques
- ergonomie du poste de travail
- contraintes posturales et gestuelles (sommeil en décubitus ventral)
- Ambiances physiques (sonore, visuelle, thermique, …)
- Psycho-sociaux
- organisation et rythme de travail
- relations avec collègues et hiérarchie
V. Conseils et orientations en fonction des facteurs de risque
1. FACTEURS DE RISQUE MORPHOLOGIQUES
a. Cervico-thoraciques
- Kinésithérapeute
- éducation posturale
- Podologue
- modification du morphotype chez l’enfant ou l’adolescent en croissance
b. Maxillo-faciaux et ORL
- Dentiste, orthodontiste, orthopédiste dento-facial
- rééducation fonctionnelle et appareillage visant le rétablissement de la ventilation nasale.
- appareil dentaire, bridge, couronne, …
- Chirurgien maxillo-facial
- correction de la forme des ATM
2. FACTEURS DE RISQUE MUSCULO-APONÉVROTIQUES
- Kinésithérapeute
- amélioration de la souplesse, renforcement musculaire
- Coach sportif
- Programme d’assouplissement et de renforcement, gainage
- Autonomie
- auto-étirement, gainage de la musculature cervicale
- auto-étirement de la musculature masticatrice
3. FACTEURS DE RISQUE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUES
- Kinésithérapeute, coach sportif
- (ré-)éducation proprioceptive
- amélioration des répertoires moteurs
- Orthodontiste (kinésithérapeute)
- rééducation fonctionnelle temporo-mandibulaire
4. FACTEURS DE RISQUE PSYCHOLOGIQUES
- Psychologue, thérapeute comportemental
- Sophrologue, hypno-thérapeute
5. FACTEURS DE RISQUE ENVIRONNEMENTAUX
- Ergonome du lieu de travail
- révision du poste et de l’activité au travail
- Médecin ou infirmière du travail, expert gestes et postures
- conseils portant sur la posture, l’intensité et le rythme de travail
VI. Accompagnement et suivi
- Suivi à moyen terme (2 mois) et long terme (6 mois) des patients douloureux chroniques
- évolution des douleurs et des comportements face à celles-ci
- évolution des ressources individuelles
- Communication avec le ou les professionnels susceptibles de travailler sur ces variables (voir plus haut)
- Conseils et auto-exercices visant l’amélioration des ressources musculo-squelettiques en fonction de la motivation et de l’autonomie du patient