PLEURS EXCESSIFS (COLIQUES) DU NOUVEAU-NÉ / NOURRISSON
Le symptôme principal d’une colique (c’est-à-dire d’une douleur d’origine digestive chez un nouveau-né ou un nourrisson) est la présence de pleurs récurrents. Or, le diagnostic de colique est posé lorsqu’un nourrisson pleure de manière récurrente et que l’on est incapable d’en établir une quelconque cause. Cette divergence d’approche – symptomatique Vs diagnostique – avec l’emploi d’un terme commun – les coliques – complique la systématisation de l’approche clinique.
Nous faisons le choix de partir du symptôme de pleurs récurrents pour construire un arbre décisionnel exploitable en pratique courante et nous avons arbitré des choix sémantiques assumés pour définir ce qu’est une colique.
Les pleurs récurrents du nouveau-né et du nourrisson sont un motif de consultation fréquent en consultation néonatale ou pédiatrique. Or, chez un nouveau-né en bonne santé, les pleurs sont pluriquotidiens et augmentent en fréquence et durée jusqu’à l’âge de 6 semaines où ils peuvent atteindre jusqu’à 3 heures par jour, sans que cela soit inquiétant. Vers l’âge de trois mois, un nourrisson pleure en moyenne une heure par jour(1).
Devant un tableau de pleurs, il faut d’abord distinguer les pleurs récurrents des pleurs paroxystiques aigus de survenue brutale qui constituent cependant une faible proportion des pleurs (moins de 5%)(2).
Les pleurs paroxystiques doivent alerter et nous faire évoquer une douleur aiguë qui peut être bénigne ou liée à une affection pouvant être grave (traumatisme osseux, hypertension intracrânienne, hémorragie méningée, lésions viscérales, etc.).
L’approche diagnostique des pleurs récurrents est plus complexe.
Lorsqu’ils sont associés à des dysmorphismes ou des troubles du développement psychomoteur, ils doivent faire évoquer des syndromes rares(1).
En l’absence de telles situations ou de tout signe de mauvaise santé de l’enfant, une approche étiologique environnementale, anatomique et/ou fonctionnelle n’est mise en place qu’au-delà du 4ème mois. En l’absence de cause identifiée, les pleurs sont régulièrement catalogués coliques. Ce raccourci s’explique par la prévalence des coliques (douleurs d’origine digestive) par rapport à d’autres causes lors d’un tableau clinique de pleurs récurrents. Par ordre de prévalence, les causes digestives à évoquer pour expliquer les coliques sont le RGO, la constipation(2), l’allergie aux protéines de lait de vache(3) ou l’intolérance au lactose(4)(5). Cliniquement, la colique ne devrait être évoquée que devant un tableau de pleurs associé à un enfant algique au faciès érythrosique, les poings serrés, le front plissé, les cuisses repliées sur un abdomen ballonné, avec des émissions répétées de gaz. Ces pleurs doivent connaitre un acmé vespéral (plus importants en fin de journée), être hyperphoniques à 1 000 Hz, ne pas céder avec l’alimentation(1).
En l’absence de cause établie, une tentative d’évaluation quantitative a été réalisée pour diagnostiquer les enfants ayant des pleurs anormalement récurrents.
Les règle retenue – dite règle des 3 – définissait comme pleurs anormalement récurrents ceux de plus de trois heures par jour, plus de trois jours par semaine et sur plus de trois semaines. Par convention, ces pleurs ont continué à être nommés coliques. Cette règle a été abandonnée par Rome IV en 2016 car jugée trop arbitraire. En effet, il n’y avait aucune preuve que des nourrissons qui pleurent plus de 3 heures par jour soient différents de ceux qui pleurent 2 heures et 50 minutes par exemple(6).
Devant la difficulté d’établir une valeur quantitative décrivant les pleurs anormalement récurrents, Rome IV laisse à la discrétion des parents le soin de définir si les pleurs de l’enfant sont anormalement récurrents et si l’enfant est alors consolable. Ce jugement des parents, éminemment dépendant de caractéristiques psychosociales, sera à prendre en compte lors de la prise en charge.
Selon ce principe, les coliques forment un syndrome comportemental chez des nourrissons de moins de 4 mois en bonne santé qui présentent, selon les parents, de longues périodes de pleurs difficiles à apaiser et sans cause évidente(6)(9).
Par convention, nous nommerons ces pleurs coliques fonctionnelles pour les différencier des pleurs symptomatiques d’une colique, c’est-à-dire d’une douleur d’origine viscérale.
Bibliographie
- Foucaud P. Pleurs excessifs du nourrisson. In Archives de Pédiatrie – Pas à Pas 2008. Elsevier Masson. 2008
- Roberts DM. et coll. Infantile Colic. American Family Physician. 2004;70(4):735-740
- Jakobsson I. et Lindberg T. Cow’s milk proteins cause infantile colic in breast-fed infants : a double-blind crossover study Pediatrics. 1983;71(2)268-271
- Leung AKC. et Sauve RS. Dietary manipulations for infantile colic. Paediatrics Child Health. 2003;8(7):449–452
- Moore DJ. et coll. Breath hydrogen response to milk containing lactose in colicky and noncolicky infants. The Journal of Pediatrics. 1988;113(6):979-84
- Bellaïche M. et coll. Coliques du nourrisson. GFHGNP – Fiches de recommandations ou d’informations. 2018
- Nurko S. et Coll. Childhood Functional Gastrointestinal Disorders: Neonate/Toddler. In Functional Gastrointestinal Disorders. Disorders of Gut-Brain Interaction. Fourth Edition. Rome IV. 2016
- Benninga MA. et coll. Childhood Functional Gastrointestinal Disorders: Neonate/Toddler. Gastroenterology. 2016;150(6):1443–1455
- Zeevenhooven J. The New Rome IV Criteria for Functional Gastrointestinal Disorders in Infants and Toddlers. Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition. 2017;20(1):1-13